Une violoniste française, un pianiste d’origine japonaise, deux tempéraments différents, un même talent… Gaëtane Prouvost et Jun Kanno réunis dans l’orangerie du domaine de Saint-Estève ont enchanté un public pourtant habitué aux grandes émotions chez Liszt en Provence. L’âme du grand violoniste d’origine marseillaise Zino Francescatti, héritier de Paganini, planait sur ce concert. Gaëtane Prouvost a été son élève, elle joue sur l’un de ses violons, elle lui a consacré une biographie et un CD et Thérèse Français, toute émue, a raconté que sa propre mère avait croisé au cours de sa formation musicale le célèbre violoniste.
Dans la première partie du programme où les oeuvres choisies de Brahms, Schumann et Smetana font la part belle au violon, on aurait pu craindre que la belle violoniste écrase par son aura le plus discret pianiste. Il n’en fut rien. Face au jeu vibrant à la fois vigoureux et aérien de Gaëtane Prouvost, le piano de Jun Kanno n’est rien moins qu’un faire-valoir. Face à la précision diabolique de l’archet qui virevolte, le clavier sait se faire entendre et le pianiste répond par la qualité de son jeu fait de virtuosité et de sensibilité.
La célèbre sonate à Kreutzer de Beethoven que Tolstoï qualifiait de “terrifiante” va donner aux deux artistes matière à se sublimer. Leurs deux instruments y engagent un véritable dialogue musical comme le feraient deux chanteurs d’opéra. Un moment de pur bonheur. Difficile après cela de sortir dans la nuit glaciale. La petite collation servie comme de coutume dans le caveau du domaine a constitué une bienvenue transition.